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40 ans de la prise de Phnom Penh : Koeun Path ou l’appel de Dieu au cœur du génocide cambodgien

Il vient de publier le récit de son épopée pour échapper à l’enfer des Khmers rouges. Koeun Path est une personnalité cambodgienne connue dans la FREE. Depuis la fin des années 70, il est en lien avec le ministère de nos Eglises en France auprès des réfugiés laotiens et cambodgiens. Témoignage à cette grâce de Dieu qui se fraie un chemin dans l’horreur indicible ! A lire ici et à voir dans Ciel ! Mon info.

Written by Serge Carrel | le vendredi, 17 avril 2015 |

« J’ai senti comme une protection, comme si quelqu’un me gardait… » Koeun Path est d’origine cambodgienne. Il a 63 ans selon ses papiers officiels ; en fait 66 parce que son père l’a inscrit à l’état civil en même temps que sa sœur, née trois ans après lui. A l’occasion des 40 ans de la prise de Phnom Penh par les Khmers rouges, il publie : Rescapé malgré moi. Il m’a sauvé du génocide cambodgien.

Obligé de quitter Phnom Penh

Ce livre retrace le parcours d’un Cambodgien des années 70 qui aurait dû compter parmi les 1,7 million de victimes du génocide qui a marqué les quatre ans de pouvoir du régime communiste maoïste de Pol Pot. Le 17 avril 1975, la ville de Phnom Penh tombe aux mains des Khmers rouges. Koeun Path travaille à ce moment-là dans une école de la capitale. Les cinq ans de guerre qui ont précédé ont fait de ce pays un champ de ruines et la population se réjouit de la fin de la guerre. Comme beaucoup d’autres habitants de la capitale, Koeun Path accueille les vainqueurs comme des libérateurs. Ceux-ci demandent à la population de quitter la ville pendant trois jours, histoire d’échapper aux bombardements de rétorsion de l’armée américaine. C’est sans compter sur l’idéologie qui anime ces « libérateurs ». En fait, après trois jours à distance de Phnom Penh, les habitants en fuite sont invités à retourner dans leur région d’origine. Koeun Path découvre alors l’idéologie qui anime le nouveau pouvoir en place : « Les Khmers rouges voulaient supprimer la vie familiale, explique-t-il. Il n’y avait plus que le parti (l’Angkar). Les hommes devaient vivre ensemble, les femmes et les enfants aussi, chacun de son côté. Les repas se prenaient dans une sorte de cantine et il était interdit de cuire du riz chez soi. Seule de l’eau pouvait être bouillie à la maison ! » Koeun Path se retrouve à Kampong Thom. Il est hébergé dans une usine désaffectée et découvre le mode de vie « khmer rouge ». « Je faisais partie d’un groupe de pêcheurs ou alors je travaillais la terre ou coupais du bois. » Pour rééduquer la population, les Khmers rouges n’y vont pas par quatre chemins. Ils font des moins éduqués et des plus pauvres les nouveaux responsables de la société. « Des gens qui ne savaient même pas s’occuper de leur propre famille, se retrouvent à la tête de trois cents familles », explique Koeun Path.

40 jours en fuyard dans la forêt

L’auteur de Rescapé malgré moi restera 28 mois dans le village de Kampong Thom, au centre du Cambodge. Un jour à minuit, Péng, le secrétaire des Khmers rouges locaux, vient le voir, lui et ses deux amis Tchéng et Nhuong. Il leur annonce qu’ils pourraient bien être les prochaines victimes de l’épuration que mettent en place les autorités locales. Koeun Path et ses deux amis hésitent. La nuit, les milices surveillent la population. Impossible de fuir. En début de matinée, tout le monde doit être au travail, sous peine d’alarmer les autorités. Midi paraît le bon moment de la journée pour risquer une fuite. C’est chose faite. Tchéng, Nhuong et Koeun Path se mettent discrètement en route. Déjà extraordinairement affaiblis par la famine qui prévaut dans les années 1977-1978 au Cambodge, les trois amis marchent dans la forêt pendant quarante jours direction nord, histoire de rejoindre au plus vite la Thaïlande. La fuite se fait sous la pluie, en évitant les villages, dans une recherche constante de quelque chose à manger. C’est qu’il s’agit d’avoir suffisamment de forces pour poursuivre la marche.

La voix de l’esprit d’un génie ?

Un jour, alors que la faim le tenaille et qu’il caresse l’espoir de traverser un champ de maïs, Koeun entend une voix : « Dans trois jours, tu mangeras du maïs. » Sur le moment, il n’accorde pas trop d’attention à cette voix. Trois jours plus tard, lui et ses camarades traversent un champ de maïs et peuvent se sustenter. Un peu plus tard, il entend pour la deuxième fois une voix. Elle lui demande : « N’oublie pas le Cambodge ! » Koeun voit là une source d’espérance extraordinaire, alors que la progression vers la Thaïlande est extrêmement difficile et que les forces viennent à manquer. « Lorsque j’ai entendu cette voix pour la deuxième fois, j’ai pensé qu’il s’agissait de la voix de l’esprit d’un génie », commente-t-il. De culture bouddhiste, Koeun Path est marqué aussi par l’animisme et par le brahmanisme. « Dans cette religion, il y a beaucoup de ‘génies’, explique-t-il. Et j’ai pensé que l’un d’eux me parlait. » Alors qu’il peine à trouver son chemin dans un paysage montagneux pour passer en Thaïlande, la voix s’adresse une nouvelle fois à lui : « Va dans cette direction ! » Il suit ce propos et parvient en Thaïlande. Arrêté par la police pour être entré illégalement dans ce pays, il se retrouve en prison. Une aumônière d’origine américaine, Paula E. Doty, le visite. Elle lui donne de la nourriture pour compléter sa pitance de prisonnier et elle lui parle aussi de Jésus et de « Dieu qui habite le cœur ». Koeun Path prend alors conscience que la voix qui l’a conduit hors de l’enfer des Khmers rouges, c’est Jésus. Il fait de la place dans sa vie pour le Christ vivant et entend la même nuit la voix lui demander de pardonner aux Khmers rouges. Lui qui souhaitait s’engager au plus vite dans un groupe de résistants pour retourner au Cambodge afin d’y libérer son peuple, demande à Dieu de l’aider à pardonner. « Soudain, durant cette soirée-là, raconte-t-il, un grand poids m’a quitté. Je ne haïssais plus Pol Pot et les Khmers rouges. J’avais plutôt pitié d’eux ! »

Pasteur en France

Après avoir obtenu le statut de réfugié en France, Koeun Path quitte la Thaïlande le 17 avril 1978. Arrivé à Paris, il est accueilli par la Croix-Rouge. Assez rapidement, il entre en contact avec une Eglise évangélique cambodgienne à Boulogne-Billancourt. Son pasteur est le Suisse Jean-Jacques Piaget. Koeun Path suit une formation en électrotechnique, passe un bac, puis se lance dans une formation en informatique, tout en travaillant à côté. Au début de 1983, il reçoit le verset biblique : « Ainsi, mes frères bien-aimés, soyez fermes, inébranlables, progressez toujours dans l’œuvre du Seigneur, sachant que votre travail, dans le Seigneur, n’est pas inutile » (1Co 15.58). Alors qu’il pensait qu’enfin il allait pouvoir se faire une situation, s’acheter une voiture et se marier, il est convaincu que Dieu l’appelle à suivre une formation biblique. Ce sera pendant trois ans l’Institut biblique et missionnaire Emmaüs, où il rencontre Kathy, une jeune Suisse allemande, avec laquelle il se marie en 1986. Après Emmaüs, il commence un ministère pastoral à Lyon dans le cadre d’une Eglise cambodgienne. Il y reste 13 ans.

Aujourd’hui, Koeun Path est pasteur dans l’Eglise évangélique cambodgienne de Mulhouse. Contraint par un diabète à se faire dialyser trois fois par semaine, il se réjouit de voir le témoignage qu’il a raconté à de nombreuses reprises mis par écrit grâce à sa belle-fille Fidji Path-Laplagne. Une magnifique histoire qui laisse perler le cœur de l’Evangile de Jésus-Christ : « La vie humaine qui est la mienne maintenant, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et a donné sa vie pour moi » (Gal 2.20, Français courant).

Serge Carrel

RescapeKoeun Path avec Fiji Path-Laplagne, Rescapé malgré moi. Il m’a sauvé du génocide khmer, Marpent, BLF, 2015, 288 p.

Koeun Path était l’invité de l’émission Ciel ! Mon info le mercredi 15 avril à 20h sur MaxTV.