Depuis la récente montée des tensions entre le bloc Israël/États-Unis et l’Iran, j’ai souvent entendu, lors de rassemblements, que ce conflit était une guerre religieuse. Toute tentative de proposer une autre perspective est souvent accueillie avec colère ou refus catégorique. Pourtant, j’aimerais présenter une autre lecture – partagée par de nombreux chercheurs et analystes – selon laquelle ce que nous observons n’est pas avant tout un conflit religieux, mais une lutte pour l’hégémonie régionale et mondiale. J’aimerais également proposer quelques éclairages bibliques pour aider à développer cette compréhension.
Contrairement au récit largement répandu, les guerres et conflits au Moyen-Orient ne sont pas fondamentalement religieux. Si un discours religieux ou sectaire est souvent mobilisé par des acteurs politiques, le cœur de l’affrontement concerne le pouvoir, les ressources et la domination stratégique. Au fond, la région est prise dans une compétition pour l’hégémonie – entre puissances mondiales, acteurs régionaux et blocs idéologiques – tous cherchant à en contrôler l’avenir.
Instrumentalisation de la religion
La religion est souvent utilisée davantage comme instrument politique que comme cause première. Prenons par exemple la division sunnite-chiite. Cette différence théologique est fréquemment instrumentalisée par des États comme l’Arabie saoudite ou l’Iran pour justifier leurs ambitions géopolitiques. Pourtant, cette rivalité est moins motivée par des convictions religieuses que par la capacité à projeter ses forces armées, les alliances stratégiques et la compétition pour l’influence régionale.
De la même manière, les conflits en Israël/Palestine, en Syrie, au Yémen et en Irak ne peuvent se réduire à un affrontement religieux entre islam, judaïsme ou christianisme. Ce sont des luttes complexes autour d’un territoire, de la souveraineté, de l’identité nationale et de l’accès aux ressources. Bien que la religion puisse être présente dans le discours, elle n’est que rarement le véritable moteur du conflit.
Les grandes puissances comme les États-Unis, la Russie et la Chine sont profondément impliquées dans la région – non pour protéger des convictions religieuses, mais pour sécuriser les routes énergétiques, les marchés de l’armement et leur influence géopolitique. Les États-Unis ont soutenu aussi bien des régimes autoritaires que des factions rebelles, selon l’évolution de leurs intérêts. La Russie intervient pour préserver ses alliés et maintenir un accès stratégique. Quant à la Chine, elle investit dans une logique de bénéfices économiques à long terme. Les puissances régionales – la Turquie, Israël, l’Iran, les États du Golfe – manœuvrent constamment pour dominer ce paysage volatil.
Une compétition entre empires
Nous n’assistons donc pas à un choc des religions, mais à une compétition entre empires. Le langage religieux peut servir à mobiliser des populations ou à légitimer la violence, mais la réalité plus profonde est celle de visions concurrentes du pouvoir, de l’ordre et du contrôle. Reconnaître cela est essentiel si l’on veut œuvrer à une paix juste et durable au Moyen-Orient.
Comprendre cette dynamique nous permet de dépasser les slogans simplistes qui opposent un Occident dit « chrétien » à un Orient dit « islamique ». Cela nous aide à discerner comment la religion et le langage religieux sont utilisés – souvent de manière cynique – par les grandes puissances mondiales pour servir des agendas politiques et économiques.
Face aux prétentions impériales, une vision contre-culturelle
D’un point de vue biblique, Jésus n’a pas ignoré les réalités politiques de son temps. Il a vécu sous l’occupation romaine et a directement abordé la question du pouvoir politique. Tout en reconnaissant la légitimité de l’autorité de l’État – « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu » (Marc 12.17), affirmant ainsi une distinction entre autorité politique et autorité divine – il a proclamé le Royaume de Dieu, une vision radicalement contre-culturelle face aux prétentions impériales de se voir reconnaître l’autorité ultime (cf. Luc 4.18-19 ; Matthieu 5–7).
L’apôtre Paul a rédigé ses lettres dans le contexte de l’Empire romain. Il a exhorté les chrétiens à respecter les autorités (Romains 13.1–7), reconnaissant leur rôle dans le maintien de l’ordre et de la justice. Cependant, sa confession répétée « Jésus est Seigneur » (Philippiens 2.11) était profondément subversive dans un contexte où César revendiquait ce titre-là également. Il y a là une approche nuancée : un engagement citoyen associé à une interpellation prophétique adressée au pouvoir injuste.
Une paix possible si on confronte l’injustice sous toutes ses formes
À la lumière de cela, les chrétiens sont appelés à résister aux récits simplistes qui alimentent les divisions et à chercher une compréhension plus profonde des forces qui façonnent notre monde. La paix et la justice au Moyen-Orient ne viendront pas de slogans religieux, mais de la vérité, du discernement et d’un engagement à confronter l’injustice sous toutes ses formes : politiques, économiques et spirituelles.
Salim Munayer
Samedi 18 octobre de 9h à 17h à Genève : « A l’écoute du Sermon sur la montagne dans le conflit israélo-palestinien avec Salim J. Munayer ». Lieu : Eglise évangélique de la Pélisserie, 20 rue de la Pélisserie, 1204 Genève. Libre participation aux frais. Inscription obligatoire.
Flyer et programme de la journée de formation du samedi 18 octobre.
Dimanche 19 octobre à 9h45 : culte avec Salim J. Munayer à l’Eglise évangélique de la Pélisserie.