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« Dieu, c’est mon père et ma mère », témoigne un Rom (à lire ici et à écouter du 12 au 16 octobre sur RTS Espace 2)

Les Roms engagés dans la foi chrétienne sont toujours plus nombreux à manifester ce qu’ils croient dans une veine pentecôtiste. Reportage à Lausanne, où des cultes se déroulent une à deux fois par mois dans les locaux de l’Armée du salut. A écouter aussi dans A vue d’esprit sur RTS Espace 2 du 12 au 16 ovbre à 16h30.

Written by Gabrielle Desarzens | le vendredi, 09 octobre 2015 |

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Sorin est un Rom originaire de Roumanie, qui mendie depuis environ une année à Lausanne. Une belle barbe souligne son visage qu’illumine un regard doux et serein. Dans un local de l’Armée du salut (ADS) qui accueille un à deux dimanches par mois depuis un an les Roms de la ville pour un culte, il ferme les yeux ; puis entonne debout, les mains ouvertes et a capella un chant « à la gloire de Dieu ».

Sa voix a des modulations orientales saisissantes. « Amen », dit-il après avoir tenu sa dernière note, et avant de rouvrir les yeux. Dieu, pour lui, qui est-il ? « C’est à la fois mon père et ma mère », répond-il tout de go. Il prend sa bible en romani, la feuillette, cite 1 Corinthiens 11.27 (1) qui l’a récemment fait réfléchir sur la façon de prendre la sainte cène... Cette bible, il la lit assis sur le bitume, quand il fait la manche. « Dieu prend soin de moi. Il est à mes côtés, je sens sa présence », glisse-t-il encore avant de reprendre son sac et de retourner dans la rue.

Renouveler sa joie

La population rom est victime de discriminations dans les pays de l’Est, et de racisme en Suisse. Tout cela ne fait sans doute que renforcer sa foi. L’Officière Christine Staiesse de l’ADS témoigne : « Je ne connaissais pas du tout les Roms, si ce n’est pour les avoir vus en train de mendier et donc assis, recroquevillés sur eux-mêmes. Et là, dans cette salle de culte, je les vois debout, prier à haute voix, offrir leur joie, leur amour pour Dieu... La première fois, j’en ai été touchée au plus profond de mon cœur ! »

Trente à trente-cinq personnes roms se réunissent régulièrement dans ce local du centre de la capitale vaudoise, sur un total de quelque 100 qui mendient en moyenne annuelle dans différents lieux de la ville. Ce qu’ils viennent chercher dans ces moments de culte ? « Je pense surtout de la force, du courage pour continuer leur route ; parce que ce qu’ils vivent est très difficile, estime Christine Staiesse. Ils viennent aussi renouveler leur joie ! »

Une farine jamais épuisée...

Ces cultes ont débuté en plein air sous l’impulsion de membres de l’association « La Maison du Père » (2). « Un soir, nous sommes allés à leur rencontre et ils ont exprimé le souhait d’avoir des moments de chant et de prière, plutôt que d’avoir à manger ou un logement, raconte son fondateur et président François Christen. On a débuté sur le parking, au milieu des voitures ; et puis on s’est par la suite déplacés sur les talus des terrains de football... avant de venir ici à l’Armée du salut, où il fait, ma foi, plus chaud, notamment en hiver ! »

Ce qui ressort d’abord des convictions religieuses de cette population, c’est pour François Christen une forme de fatalisme. « Mais ceux qui ont vraiment fait une expérience de foi parlent de miracles dans leur vie, par exemple de farine en hiver qui ne s’est jamais épuisée ; ou d’une bonbonne de gaz qui a fonctionné pendant six mois sans se vider et qui a permis de chauffer la maison. » Et ce membre de l’Eglise évangélique Lazare de confier se sentir parfois dépassé quand des dizaines de Roms prient en même temps de façon bruyante à ses côtés : « Leur façon de vivre leur foi est loin d’être vaudoise ! »

Attachement à Dieu

Véra Tchérémissinoff de l’association Opre Rrom (3) à Lausanne est d’origine russe orthodoxe. « Les Roms s’adaptent aux religions des pays qu’ils traversent. Ici, ils viennent en grande majorité de Roumanie et sont soit orthodoxes, catholiques ou protestants pentecôtistes, résume-t-elle. Ce qui les caractérise tous, c’est leur très forte spiritualité et leur attachement à Dieu. »

Gilbert Glassey, lui, est médiateur avec la communauté rom à la Police de Lausanne. Il constate ponctuellement des rassemblements de 10 à 12 personnes qui prient et discutent de la Bible à même la rue. « Une façon d’y recréer l’Eglise. » Une expérience personnelle : « Une de mes filles avait des difficultés à avoir un enfant. En discutant avec des Roms, ils m’ont invité à en parler un soir et ils ont appelé au pays un de leurs anciens. J’ai discuté au téléphone avec ce Monsieur... Je ne sais pas si cela a un lien, mais ma fille a maintenant un petit garçon ! »

Gabrielle Desarzens

 

Une série d’émissions à écouter sur RTS Espace 2 à 16h30 du lundi 12 au vendredi 16 octobre ou sur la page web de l’émission.

Notes

1 « C’est pourquoi, celui qui mange ce pain ou boit la coupe du Seigneur indignement sera coupable envers le corps et le sang du Seigneur. »

2 La Maison du Père est une association qui œuvre en faveur de familles défavorisées en Roumanie. Elle cherche à être en cohérence avec le message de Jésus-Christ.

3 Opre Rrom est une association lausannoise d'action et de solidarité avec les Roms.

 

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  • Encadré 1:

    Le pentecôtisme a la faveur des Roms

    Claire Auzias est docteur en histoire contemporaine. Elle étudie les Roms depuis plus de 20 ans et a travaillé aux côtés de l’Union romani internationale afin de faire connaître leur histoire et leur culture.

    Quelle est la première religion des peuples roms ?
    Je parlerais plus volontiers de leur spiritualité, de la cosmogonie originelle des Roms, mais pas de religion au sens de corpus constitué, avec des clercs et des Eglises. Ce corpus originel est à rattacher au bassin de croyances indo-iranien qui est leur lieu d’origine. Les raids offensifs arabes contre l’Inde dès la fin du VIIe siècle ont provoqué d’innombrables déplacements de populations, dont celui de ce groupe, dans d’autres pays. Ils en adopteront la religion dominante, car ce sont à l’époque les religions qui définissent le droit de cité.

    Vers quelle sensibilité religieuse se sont-ils dirigés ou se dirigent-ils aujourd’hui et pourquoi ?
    Ce qui intéresse les Roms dans la religion, c’est l’émotion. C’est l’une des grandes explications, je pense, du succès majeur actuellement du pentecôtisme. Ce mouvement concernerait jusqu’à 90% des gitans espagnols, par exemple, dans un pays où la religion catholique est une affaire d’Etat ! Mais il y a des Roms musulmans, des Roms dans toutes les variantes du christianisme ; et puis il y a des Roms bouddhistes, notamment en Hongrie. Sans oublier qu’il y a aussi des Roms athées...

  • Encadré 2:

    Tziganes, Roms, Manouches…

    Les communautés tsiganes constituent un peuple qui représente la première minorité ethnique d’Europe, forte de 10 à 12 millions de personnes. Ces communautés peuvent être regroupées sous le terme « Tsigane ». Mais le terme générique de Rom a été choisi en 1971 par des associations d'Europe de l'Est, comme l'Union romani internationale, pour remplacer celui de Tsigane, considéré comme péjoratif. Cette appellation ne fait pourtant pas consensus.

    Il y a aussi les termes qui distinguent les différentes branches de ce peuple hétérogène. Les Gitans, par exemple, vivent en Espagne et dans le sud de la France, et représentent environ 10% des Tsiganes selon le collectif Romeurope. Les Manouches se sont plutôt établis dans les régions germanophones, le Bénélux et certains pays nordiques, et représentent environ 4% des Tsiganes, selon la même association. Les Roms sont une autre branche de ce peuple et vivent eux en Europe orientale et centrale.

    Le terme « Gens du voyage » caractérise les personnes qui vivent plus de six mois par an en résidence mobile terrestre. Les Roms de Roumanie, que l’on voit dans nos villes, n’en sont pas.