Sorin est un Rom originaire de Roumanie, qui mendie depuis environ une année à Lausanne. Une belle barbe souligne son visage qu’illumine un regard doux et serein. Dans un local de l’Armée du salut (ADS) qui accueille un à deux dimanches par mois depuis un an les Roms de la ville pour un culte, il ferme les yeux ; puis entonne debout, les mains ouvertes et a capella un chant « à la gloire de Dieu ».
Sa voix a des modulations orientales saisissantes. « Amen », dit-il après avoir tenu sa dernière note, et avant de rouvrir les yeux. Dieu, pour lui, qui est-il ? « C’est à la fois mon père et ma mère », répond-il tout de go. Il prend sa bible en romani, la feuillette, cite 1 Corinthiens 11.27 (1) qui l’a récemment fait réfléchir sur la façon de prendre la sainte cène... Cette bible, il la lit assis sur le bitume, quand il fait la manche. « Dieu prend soin de moi. Il est à mes côtés, je sens sa présence », glisse-t-il encore avant de reprendre son sac et de retourner dans la rue.
Renouveler sa joie
La population rom est victime de discriminations dans les pays de l’Est, et de racisme en Suisse. Tout cela ne fait sans doute que renforcer sa foi. L’Officière Christine Staiesse de l’ADS témoigne : « Je ne connaissais pas du tout les Roms, si ce n’est pour les avoir vus en train de mendier et donc assis, recroquevillés sur eux-mêmes. Et là, dans cette salle de culte, je les vois debout, prier à haute voix, offrir leur joie, leur amour pour Dieu... La première fois, j’en ai été touchée au plus profond de mon cœur ! »
Trente à trente-cinq personnes roms se réunissent régulièrement dans ce local du centre de la capitale vaudoise, sur un total de quelque 100 qui mendient en moyenne annuelle dans différents lieux de la ville. Ce qu’ils viennent chercher dans ces moments de culte ? « Je pense surtout de la force, du courage pour continuer leur route ; parce que ce qu’ils vivent est très difficile, estime Christine Staiesse. Ils viennent aussi renouveler leur joie ! »
Une farine jamais épuisée...
Ces cultes ont débuté en plein air sous l’impulsion de membres de l’association « La Maison du Père » (2). « Un soir, nous sommes allés à leur rencontre et ils ont exprimé le souhait d’avoir des moments de chant et de prière, plutôt que d’avoir à manger ou un logement, raconte son fondateur et président François Christen. On a débuté sur le parking, au milieu des voitures ; et puis on s’est par la suite déplacés sur les talus des terrains de football... avant de venir ici à l’Armée du salut, où il fait, ma foi, plus chaud, notamment en hiver ! »
Ce qui ressort d’abord des convictions religieuses de cette population, c’est pour François Christen une forme de fatalisme. « Mais ceux qui ont vraiment fait une expérience de foi parlent de miracles dans leur vie, par exemple de farine en hiver qui ne s’est jamais épuisée ; ou d’une bonbonne de gaz qui a fonctionné pendant six mois sans se vider et qui a permis de chauffer la maison. » Et ce membre de l’Eglise évangélique Lazare de confier se sentir parfois dépassé quand des dizaines de Roms prient en même temps de façon bruyante à ses côtés : « Leur façon de vivre leur foi est loin d’être vaudoise ! »
Attachement à Dieu
Véra Tchérémissinoff de l’association Opre Rrom (3) à Lausanne est d’origine russe orthodoxe. « Les Roms s’adaptent aux religions des pays qu’ils traversent. Ici, ils viennent en grande majorité de Roumanie et sont soit orthodoxes, catholiques ou protestants pentecôtistes, résume-t-elle. Ce qui les caractérise tous, c’est leur très forte spiritualité et leur attachement à Dieu. »
Gilbert Glassey, lui, est médiateur avec la communauté rom à la Police de Lausanne. Il constate ponctuellement des rassemblements de 10 à 12 personnes qui prient et discutent de la Bible à même la rue. « Une façon d’y recréer l’Eglise. » Une expérience personnelle : « Une de mes filles avait des difficultés à avoir un enfant. En discutant avec des Roms, ils m’ont invité à en parler un soir et ils ont appelé au pays un de leurs anciens. J’ai discuté au téléphone avec ce Monsieur... Je ne sais pas si cela a un lien, mais ma fille a maintenant un petit garçon ! »
Gabrielle Desarzens
Une série d’émissions à écouter sur RTS Espace 2 à 16h30 du lundi 12 au vendredi 16 octobre ou sur la page web de l’émission.
Notes
1 « C’est pourquoi, celui qui mange ce pain ou boit la coupe du Seigneur indignement sera coupable envers le corps et le sang du Seigneur. »
2 La Maison du Père est une association qui œuvre en faveur de familles défavorisées en Roumanie. Elle cherche à être en cohérence avec le message de Jésus-Christ.
3 Opre Rrom est une association lausannoise d'action et de solidarité avec les Roms.