« Ça peut arriver à tout le monde ! » Dominique Fontaine est pasteur dans l’Eglise évangélique de Réveil de la Riponne à Lausanne. Depuis la sortie de son livre Quand le verre vire au rouge, il est sollicité pour parler dans les Eglises de la question des dépendances et plus particulièrement de l’alcoolisme. Voilà plus de 20 ans, alors qu’il exerçait son ministère à La Chaux-de-Fonds, il décide de mettre fin à plusieurs années de consommation excessive d’alcool.
Un pastorat très alcoolisé
Aujourd’hui, alors qu’il n’a plus touché une goutte d’alcool depuis, il visite les Eglises et aussi les médias avec deux messages : l’alcoolisme est une dépendance dans laquelle tout un chacun peut tomber et il y a de l’espoir pour s’en sortir !
« L’alcoolique, ce n’est pas seulement celui que l’on voit ivre sur un trottoir. Il y a beaucoup de gens qui ont une situation très respectable et qui ont ce problème. Cela peut se voir et ne pas se voir ! » Pendant son ministère dans les montagnes neuchâteloises, Dominique Fontaine a réussi à cacher son jeu. Il buvait en cachette pour se déstresser, sans que son épouse ne se rende compte de quoi que ce soit.
Originaire du nord de la France, la consommation d’alcool a fait partie de son mode de vie depuis l’âge de 12 ans. Et avant qu’il ne rencontre personnellement Jésus-Christ, prendre une cuite était plutôt courant pour lui. A 17 ans, il fait une expérience spirituelle forte et ce comportement ne fait plus dès lors partie de son vécu de chrétien. Sa consommation d’alcool demeure toutefois conséquente. « Je suis un bon vivant, explique-t-il. Et la consommation d’alcool faisait partie de mon personnage. »
En mars 1994, il décide d’arrêter de consommer. Il est à bout. Son épouse et sa famille sont au courant de ses difficultés avec le « produit », et certains membres de son Eglise aussi. Il pense qu’il va être licencié de son poste, mais entreprend tout de même un sevrage auprès d’un médecin. Il voit aussi un spécialiste en alcoologie qui l’encourage à signer un engagement d’abstinence de courte durée, dans un premier temps. De plus, il entreprend une démarche de relation d’aide qui lui permet de « déconstruire le pourquoi de son comportement pour reconstruire sur une autre base ». Marqué par une image de Dieu légaliste, ce pasteur réalise qu’avec Dieu il n’y a pas que des « Il faut », mais aussi… l’amour et la grâce !
Pas pour la vie !
Fort de cette conviction, il peut aujourd’hui affirmer dans ses conférences ou ses interviews que l’« on n’est pas condamné à vivre avec cela toute sa vie ! » L’alcoolisme, on peut en sortir ! « Par mes interventions, martèle-t-il, je veux briser le tabou et faire en sorte que l’on arrête de se taire sur ce sujet. Il faut encourager les gens dépendants à chercher de l’aide auprès de personnes de confiance. » C’est ce que Dominique Fontaine a fait. Et cela lui a permis de parler ouvertement de son problème avec son Eglise de La Chaux-de-Fonds, qui lui a renouvelé sa confiance et lui a permis de poursuivre son mandat pastoral pendant plusieurs années. « Non seulement, j’ai reçu le pardon de Dieu, mais j’ai aussi reçu le pardon de mes frères et sœurs, ce qui n’est pas la chose la moins extraordinaire ! »
Un pasteur plus humain !
Quand on demande à Dominique Fontaine ce que son alcoolisme a changé à son ministère pastoral, son ton de voix se fait plus intimiste. « Ça a vraiment humanisé mon pastorat, lâche-t-il. J’ai toujours été proche des gens, mais aujourd’hui je comprends mieux les difficultés que l’on peut avoir dans son quotidien. » Cette période où ses limites et ses failles ont dû être avouées l’ont aussi « brisé… dans le bon sens du terme, ajoute-t-il. Souvent quand on est pasteur, on a tendance à être sur notre nuage et on oublie notre côté humain. Il y a une dimension profondément humaine dans le spirituel, c’est indissociable. Garder l’équilibre entre les deux est un véritable défi que le Christ nous invite à relever ! »
Serge Carrel
Dominique Fontaine, Quand le verre vire au rouge, Ursy, Jude 25, 2010, 176 p.