Frédéric Guerne : les tribulations d’un démineur chrétien

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Frédéric Guerne est à l’origine et à la tête d’une structure de déminage dans le Jura bernois : la fondation Digger. Dans l’ancien arsenal militaire de Tavannes où il compte une dizaine d’employés, il revient sur deux années d’activités particulièrement éprouvantes. 

Written by  Gabrielle Desarzens | le mardi, 06 décembre 2016 |

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« On a quasi pas d’argent de côté, on travaille à flux tendu. On connaît régulièrement des mois où on ne peut pas payer les salaires. Ma foi est mise à contribution et je dois juste croire alors que je ne suis pas seul, que tout n’est pas géré par un hasard froid, mais par quelqu’un qui nous aime et qui agit : sans ma foi, j’aurais fermé boutique depuis longtemps ! »

Frédéric Guerne, 47 ans, concède pourtant que les deux dernières années ont été particulièrement éprouvantes. « Quand vous avez le franc suisse qui prend 20% en 10 secondes comme l’année dernière, vos machines prennent aussi 20% en 10 secondes. Et c’était suite à 2014 où des conflits ont éclaté partout. Or on ne vend rien dans ces cas-là, car tant qu’un pays est en guerre, on ne peut démarrer un projet de déminage. » Frédéric Guerne a dû se résoudre à mettre tous les employés qu’il pouvait au chômage partiel. « Mais les responsables et moi, je n’ai pas pu, car la loi ne le permet pas. Donc on a fait 8 mois sans salaire. Je peux vous dire qu’aller faire vos achats, ça devient difficile ; le litre de lait commence à coûter cher ; faire le plein de la voiture, c’est parfois presque impossible... et ça a duré 8 mois ! Ce fut une période vraiment difficile. Même au niveau familial, tout le monde a été sur les nerfs. »

Croire pour entreprendre

Sa foi n’a-t-elle pas été remise en cause ? « On se pose beaucoup de questions, mais on s’appuie aussi sur tout ce qu’on a vécu et on se dit : ça a passé autrefois, ça passera aujourd’hui ! » Frédéric Guerne s’est vu contraint de licencier 7 collaborateurs – «  mais tous ont retrouvé du travail, Dieu merci ! » Ce membre de l’Eglise évangélique du Roc à St-Imier confie avoir, dans la foulée, consulté le médecin pour un risque de burnout. Puis explique prier tous les matins pour son entreprise avec son épouse. « Ma relation avec Dieu, c’est aussi concret que le beurre que j’étale le matin sur ma tartine : je ne comprends pas comment un entrepreneur qui prend des risques aujourd’hui fonctionne sans la foi. »

Allier compétence et foi

La confiance en Dieu n’a pourtant pas bercé ses années d’enfance. Mais déjà gamin, sa passion c’était les armes ; « tout ce qui pète », résume-t-il tout sourire. Et notre homme d’évoquer l’arsenal qu’il avait chez lui à l’adolescence, les bêtises qu’il a faites comme les lampadaires visés pour régler ses fusils, ses démêlées avec la police... « J’étais fermement athée. Je m’estimais en-dessus de tout ça. Mais j’avais des soucis et comme j’avais fait le catéchisme, c’est revenu d’un coup : j’ai dit à Dieu que j’avais besoin de croire en Lui. Je devais avoir 14 ans. »

Après ses études d’ingénieur, Frédéric a commencé à travailler dans l’industrie… « Et là, à la pause, un collègue me parle du Vietnam où, me dit-il, il y a encore des mines. Or les mines, je connaissais, ça m’intéressait : j’en posais autour de ma tente quand je campais petit avec des amis… Et voilà qu’il me parle de déminage. J’ai eu un flash. Je me suis dit : là y a quelque chose pour moi. » Frédéric Guerne a donc pu allier ses compétences et les valeurs humaines qui le motivaient comme chrétien. Une combinaison qui continue à le motiver aujourd’hui malgré les difficultés.

Gabrielle Desarzens

Le site de l'enterprise Digger.

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    Dans le monde, la population de plus de 70 pays subit quotidiennement le fléau des mines. Les victimes directes, tuées ou mutilées, sont estimées entre 5'000 et 10'000. Une machine de la fondation Digger a une capacité sans risque de déminage équivalant à celle d’une équipe de 200 à 300 démineurs manuels. A Tavannes, l’équipe de Frédéric Guerne en construit une à deux par année, de 12 tonnes chacune.